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Description physique
Origine
Biographie ou Histoire
Né à Poitiers (Vienne) le 8 mars 1838, de parents domiciliés dans la Dordogne, commune de Beauregard, bachelier es-lettres en 1855 et ayant effectué la première année de licence en droit, le vicomte Jean-Louis Paul d'Abzac réussit non sans difficulté à obtenir une place de surnuméraire dans les bureaux des Affaires étrangères, grâce à une lettre adressée par son père, au maréchal de Canrobert le 3 décembre 1857 (1). Cette demande avait donné lieu, le 12 février 1858, à une note pour l'Empereur lui-même, les postes de surnuméraires n'étant accordés, d'après les règlements de l'époque, qu'aux seuls titulaires de la licence en droit complète. Paul d'Abzac s'intitulera toujours, par la suite, licencié en droit, ayant sans doute complété, sans qu'on n'en trouve nulle part mention, sa scolarité à la faculté. Il déclare en outre parler l'anglais et l'espagnol, lire l'allemand.
Le besoin d'une situation se faisait très probablement cruellement sentir pour ce jeune homme, s'il faut croire les déclarations du comte d'Abzac, le père, à la direction des consulats. Appartenant, disait-il, à "l'une des plus anciennes et des plus honorables familles de son pays", d'Abzac père aurait servi dans l'armée, d'où une persécution imméritée dont il aurait été victime l'aurait forcé à se retirer. Le 23 décembre 1857, après avoir obtenu une audience du duc de Bassano (2), Chambellan de l'Empereur, il adressait aussi pour lui-même une requête à Napoléon III, manifestant le désir d'entrer au service du prince impérial avec l'ambition de diriger plus tard son éducation équestre; il se disait disposé également à accepter une place dans une inspection ou dans une direction de Haras. Introduit aux Affaires étrangères par les très pressantes démarches paternelles, Paul d'Abzac est attaché à la direction des consulats, le 10 mai 1862; on le trouve attaché payé le 11 mai 1865, attaché au consulat général de New-York le 9 mai 1866, élève consul à la même résidence le 7 novembre 1866, puis à Philadelphie où il remplace Charles Dillon nommé consul. Dès lors, sa carrière se déroulera en Amérique, à deux exceptions près : un bref séjour d'élève-consul à Londres, plus tard une nomination à Riga le 1er mai 1876, qui lui permettra, le 10 mai 1878, d'accéder à la première classe des consulats. Il ne s'était d'ailleurs résigné que de très mauvais gré au séjour de Londres, protestant vivement à cette nomination datée du 19 mars 1869 : "En effet, on est plus à même d'être utile", écrit-il "dans un pays qu'on a étudié et pratiqué que dans un pays qu'on ne connaît pas". Ses prétentions exagérées lui valurent par deux fois des remontrances du ministère, tandis que des fréquentations imprudentes lui attiraient quelques désagréments. On le retrouve du 15 mars 1869 au 14 mars 1870, gérant du consulat de Philadelphie, consul de seconde classe à Assomption (Paraguay), le 4 septembre 1871, gérant du consulat de la Nouvelle-Orléans, 1874-1876, consul de première classe à la Nouvelle-Orléans le 10 février 1879, après l'intermède de Riga, consul général le 3 septembre 1882, consul général à New-York le 12 avril 1888.
Paulette Enjalran.
Claudel a quelque peu malmené son premier chef de poste (Cahiers Paul Claudel, 1, Gallimard, 1958, p. 2, 81, 86). Il est vrai qu'il ne resta sous ses ordres que quelques mois, puisqu'arrivé à New-York au début du mois d'Avril 1893, il quitta ce poste pour Boston dont il obtint la gérance au mois d'Octobre. Le vicomte d'Abzac, encore jeune pourtant, mais très malade, dut alors repartir pour la France pour un nouveau congé. Il obtint le grade de ministre plénipotentiaire en même temps que sa mise à la retraite le 10 Janvier 1894.
Le personnage de ce consul laisse un peu perplexe. Les collègues de sa génération, Amelot de Chaillou, Arlot, Viel-Castel lui écrivent des lettres amicales, lui reconnaissent de l'autorité, du savoir-faire. Le ministre Roustan lui recommande "Ne vous tourmentez pas comme vous faites". Ses subordonnés à la Nouvelle-Orléans, New York, lui adressent pendant son absence des lettres pleines d'égard et lui rendent avec précision compte des affaires. Il sait rendre service, il peut être bon et en reçoit des remerciements. Les membres de la Chambre de Commerce de la Nouvelle-Orléans font des pétitions pour ne pas le perdre car, pensent-ils, "nous ne trouverons pas un homme d'un esprit aussi entreprenant que le sien". Travailleur assidu, il couvre des pages de minutes dans tous ses postes et envoie au Département, pendant le séjour d'Assomption surtout, des lettres écrites d'une bonne plume, bien documentées et souvent perspicaces. Il n'en est pas moins vrai que la lecture des ses papiers crée un certain malaise et laisse à penser que, dans sa jeunesse surtout, un tempérament impulsif et querelleur le desservit, ainsi que des initiatives imprudentes. Ses amis ne cessent d'ailleurs de le mettre en garde contre trop de vivacité et d'indépendance. Esprit imaginatif, jamais à court d'idées, il adresse au Département les manuscrits de plusieurs travaux avec demande d'autorisation de publier. C'est tour à tour "un petit chapitre à la manière de Saint-Simon", un ouvrage intitulé : "Nos diplomates et nos consuls" qu'il propose en 1882 et pour lequel l'autorisation lui est refusée. Le 25 août 1885, il sollicite en vain l'agrément du ministère pour publier à ses frais un travail qui a pour objet "l'étude des réformes politiques,sociales, économiques" qu'il est possible d'introduire dans la démocratie, "doctrines conformes aux données de la philosophie moderne"; ce projet n'envisageait rien moins que "la suppression d'un grand nombre de services publics".
Aucun de ces manuscrits ne se trouve dans les papiers Abzac conservés au ministère. Il était toutefois parvenu à les publier, comme le prouve le fichier de la bibliothèque des Affaires étrangères où certains titres figurent même en plusieurs exemplaires (cf. bibliographie).
Il semble bien en effet être à l'origine de la création de l'Association amicale des Affaires étrangères qui existe depuis 1884 (son centenaire a été célébré en 1984). Le 13 Septembre 1883, alors qu'il était en poste à la Nouvelle-Orléans, il demande au Département l'autorisation de fonder une "Union mutuelle des agents du ministère des Affaires étrangères en vue de développer un esprit de fraternité parmi les membres du personnel intérieur et extérieur du ministère". Il avait déjà rédigé un projet de statuts applaudi par les agents, qui refusent cependant de suivre Abzac jusqu'au bout, par crainte de la désapprobation du Département. Il est probable cependant, que l'idée, une fois lancée, fit son chemin.
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(1) - Canrobert (François) (1809-1895), maréchal de France, ami de Napoléon III, ancien commandant en chef de l'armée de Crimée.
(2) - Bassano (Napoléon, Hugues, 2ème duc de), 1803-1898, diplomate rappelé à Paris en 1852, demeuré sénateur et chambellan jusqu'à la fin du Second Empire.
Histoire de la conservation
Avant leur entrée aux archives, les documents se trouvaient au domicile parisien du vicomte d'Abzac, 30 rue Pergolèse.
Modalités d'entrées
Suite à l'apposition de scellés au domicile du diplomate le 17 décembre 1904.
Présentation du contenu
Les papiers conservés au ministère des Affaires étrangères concernent essentiellement les postes d'Assomption, de la Nouvelle-Orléans et de New-York.
Le vicomte d'Abzac n'arrive à Assomption que le 18 mai 1872, ayant attendu à Buenos Aires que la situation soit un peu éclaircie après la chute du dictateur Francisco Solano Lopez, à la fin de la guerre désastreuse livrée par le Paraguay au Brésil et à l'Argentine. Le séjour du consul débutait au moment de l'installation du nouveau gouvernement, avec don Salvador Jovallanos nommé à la présidence au mois de février 1872 (3). Dans ce pays, livré à l'anarchie, ruiné en hommes et en ressources ainsi que le constate une lettre d'Abzac (n° 2 du 18 mai 1872), on ignorait encore quels allaient être les rapports de l'empire brésilien avec les trois républiques du Paraguay, de l'Argentine et de l'Uruguay, et les relations futures de ces trois républiques entre elles. Les instructions que le ministre à Buenos Aires envoie à Abzac visent surtout la protection des intérêts français, la création d'un nouveau marché par la suppression des intermédiaires ruineux de Montevideo et de Buenos Ayres, la surveillance des opérations fiduciaires de l'état, qui avaient été préjudiciables aux ressortissants français du temps de Lopez, la négociation d'une indemnisation pour le pillage du consulat, la surveillance des forces impériales brésiliennes qui se réorganisent grâce à l'exploitation du réseau fluvial du Paraguay. Il faut ajouter que la France exerçait en outre la surveillance des intérêts anglais dans le pays. Dès le 26 juin 1872 survint le drame qui compromettait de façon définitive la mission paraguayenne du vicomte d'Abzac : l'assassinat d'un Français, Berchon des Essarts, et des ressortissants anglais. Un différend s'étant produit entre le gouvernement du Paraguay et le consulat de France pour le règlement de la succession de la victime, d'Abzac ayant reçu l'ordre, de la part de ce gouvernement, de ne pas quitter le pays comme il y songeait, avait commis l'imprudence d'accepter sans instruction l'hospitalité offerte par le consul d'Italie sur la canonnière Confianza : représailles immédiates du gouvernement paraguayen qui avait retiré son exequatur au représentant de la France.
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(3) - Correspondance politique, Paraguay, volume 5 (lettre du 22 Février 1872).
Ce consulat n'était pas un poste politique comme Assomption, mais plutôt d'intérêt économique et financier. Pendant le séjour du vicomte d'Abzac, la chambre syndicale du commerce français créée en 1875, reconstituée en 1878, obtint, très certainement stimulée par le conseil, la création d'une ligne de steamers entre le Havre et la Nouvelle-Orléans; un rapport du 23 juin 1880 souligne les avantages que présente le port de cette ville pour l'embarquement et les expéditions de céréales des Etats-Unis dont l'exportation vers l'Europe devient intensive.
Le vicomte d'Abzac étudia sérieusement un projet de statuts pour une banque franco-louisianaise. Il prit un intérêt particulier aux statuts des sociétés de bienfaisance qui existaient en Louisiane (L'Union française fondée le 12 octobre 1872, la Société française de bienfaisance et d'assistance mutuelle de la Nouvelle-Orléans, qui avait été fondée par un acte législatif de l'état de la Louisiane renouvelé le 14 mars 1873, l'Association de la société française d'assistance mutuelle de Jefferson, dont les statuts avaient été amendés le 5 octobre 1874). Citons encore la Société française de bienfaisance et de protection mutuelle de Vermillon.
Le vicomte d'Abzac remplit aussi les fonctions de commissaire français pour l'exposition internationale de la Nouvelle-Orléans. Il ne réussit pas malgré ses efforts, et bien qu'il possédât lui-même le grade, à faire transformer le consulat en consulat général.
C'est le consulat général de New-York qu'il visait et qu'il réclama avec insistance mettant en avant sa longue expérience de l'Amérique. Il l'obtint au mois d'avril 1888. Il échoua cependant dans son ambition d'être élevé au grade de ministre plénipotentiaire.
Pas plus que ceux du consulat de la Nouvelle-Orléans, les dossiers du consulat général ne renferment de documents de caractère politique. C'est toutefois l'époque de l'affaire de Panama et il y est quelquefois fait allusion dans la correspondance particulière ou privée; "Vous voilà à Paris en plein bouleversement ministériel et au milieu du gâchis de Panama", écrit à Abzac l'avocat Edmond Huerstel (2 décembre 1892, volume 8). Le vice-consul Durand, pendant sa gérance rapporte aussi les rumeurs de scandale. Des banquiers américains sont compromis. Le premier soupçon naquit dans la presse, lorsque le gouvernement français demanda à la cour suprême des États-Unis de faire examiner les livres et transactions des représentants américains par le consul général Abzac.
En l'absence du consul général, c'est l'avocat, Edmond Huerstel qui fut chargé de cette enquête sans que rien de suspect puisse être découvert selon les mêmes articles de presse (volume 8).
Le vicomte d'Abzac écrivant beaucoup reçoit un assez grand nombre de lettres de ses collègues, notamment des agents en Amérique. Ce sont, pendant la période paraguayenne (volume 5), Léon-Edouard Amelot de Chaillou, secrétaire d'ambassade chargé d'affaires à Buenos Ayres où il sera plus tard, le 18 décembre 1878, nommé ministre plénipotentiaire auprès de la Confédération argentine; ces lettres d'instructions et de conseils qu'il adresse à Abzac permettent d'apprécier à la fois l'élégance de son style et une habileté pleine de finesse face aux situations difficiles.
Des lettres d'Alfred de Vallois (ou Valois), consul général à Rio et de Pierres, au consulat de Montévidéo, s'ajoutent à la correspondance envoyée par Abzac lui-même pour peindre la situation précaire du corps consulaire en Amérique du Sud, dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Du Département avait été en effet supprimé par décret du 26 novembre 1869, un bureau d'Amérique et des Indes créé par la monarchie de Juillet qui traitait l'ensemble des affaires, qu'elles fussent politiques et commerciales. Jusqu'à la création, au mois de janvier 1880, de la sous-direction du Midi et de l'Amérique, il n'existera aucun service spécialisé pour les questions sud-américaines. Il faudra attendre le décret du 3 décembre 1896 pour trouver un bureau de l'Amérique relevant des Affaires commerciales (4). Dans son poste de consul général à New-York, Abzac entretient une correspondance régulière avec les deux ministres plénipotentiaires dont il dépend successivement, Théodore Roustan et Jules Patenôtre. Le premier, ancien consul au long de 24 lettres, traite avec minutie des petites affaires. Patenôtre est soucieux des méthodes de travail ; il munit l'ambassade de formules de télégrammes à en-tête du Telegrah Office de New-York, afin que les télégrammes envoyés par la légation à Paris, obligatoirement alors via New-York, n'aient pas à être recopiés au consulat. Il demande au consul général par la même lettre (8 janvier 1892, volume 8), une numérotation précise et continue des dépêches officielles ; ces détails de méthode sont à signaler, car ils révèlent comment s'est formée, s'est maintenue tout en évoluant, une diplomatique des documents produits par les Affaires étrangères. Patenôtre, comme l'indique l'en-tête manuscrite de ses dernières lettres, établit la résidence des ministres plénipotentiaires dans une maison sise 1400 Massachussets Avenue.
Dans tous ses postes, Abzac reçoit pendant ses absences ou ses congés des lettres de ses collaborateurs (Méné à Assomption, Navone, Dupas... à la Nouvelle-Orléans, le vice-consul Maurice Durand à New-York...).
Du Département, d'autres pays étrangers, quelques lettres (du comte d'Arlot, de Viel-Castel) apportent des nouvelles du mouvement diplomatique, des impressions, des prévisions, des supputations et des conseils. Au moment de la mission d'Abzac au Paraguay, Gobineau, qui avait quitté depuis peu le Brésil est nommé ministre à Stockholm (1872). Le comte de Viel-Castel, qui a reçu une nomination de secrétaire à Tokyo après une gérance à Téhéran, travaille au Japon en collaboration avec Ulric chargé d'une mission pour l'Asie orientale : un échange franco-japonais d'oeuvres d'art aboutirait à la création d'une salle japonaise au Louvre et d'une salle française à Tokyo.
En félicitant Abzac de sa nomination à la Nouvelle-Orléans (San Francisco serait encore un progrès, selon lui), il remarque qu'un poste de consul en Amérique donne plus de chance d'être nommé ministre plénipotentiaire qu'un titre de conseiller en Europe.
Arlot, comme Viel-Castel, comme Abzac, sont des agents anciens qui assistent avec une certaine amertume aux réformes entreprises au quai d'Orsay et, depuis 1880, à l'arrivée de jeunes agents, recrutés par concours. Ainsi s'expliquent certaines phrases désabusées. Arlot déclare : "On ne m'utiliserait pas si je ne songeais à m'utiliser", tandis que Viel-Castel constate que de toutes façons "Le népotisme est plus que jamais florissant au quai d'Orsay".
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(4) - Voir les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, Paris, 1984, t.II, p. 81.
Ces dossiers assez touffus touchent, on a pu s'en rendre compte, à maintes questions qui peuvent intéresser l'historien. Ils apportent quelques compléments aux séries officielles :
Ces papiers Abzac, que l'on est tenté au début d'examiner en songeant à la carrière de Paul Claudel, alors que n'y figure même pas le nom du poète, présentent pourtant un intérêt. Ils offrent le portrait d'un de ces consuls d'Amérique qui, ayant commencé leur carrière sous le Second Empire, n'ont été que faiblement touchés par les réformes de 1880. En l'absence de l'organisation d'un service commercial extérieur, ils sont en poste au pays du dollar à une époque d'intense activité économique, financière, où se réalisent des travaux gigantesques. Aussi sont-ils mêlés lorsqu'un certain esprit d'aventure les habite, à toutes sortes d'affaires auxquelles participe aussi une colonie nombreuse et composite d'immigrants. Une commission de réorganisation consulaire, instaurée le 28 avril 1883, s'efforça d'ailleurs de mobiliser l'activité des consuls en faveur du commerce français. Sous l'impulsion d'agents comme Clavery et Blanchard de Farges, de nombreuses circulaires leur étaient adressées tandis que se développaient les Chambres de Commerce françaises à l'étranger (5).
Paulette Enjalran.
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(5). Voir l'ouvrage : Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, Paris, 1984, t.II, p.79 et les papiers Blanchard de Farges (23PAAP).
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Bibliographie
Publications de Paul d'Abzac :
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