Versement administratif (entrée n° 1928INVA) réalisé d'août 1985 à mars 1992.

 Dans une Albanie communiste fermée à toute influence occidentale et qui a rompu avec éclat avec l'Union soviétique pour s'aligner sur la politique de la Chine, les représentants de la France André Millot puis François Desbains s'efforcent d'entretenir des relations satisfaisantes avec le régime.  La France fait en effet partie des rares pays occidentaux qui entretiennent des relations diplomatiques avec l'Albanie à cette époque. La sous-série Albanie présente la particularité par rapport aux autres sous-séries de la direction d'Europe de contenir une quantité impressionnante d'extraits imprimés de différentes revues de documentation, informations qui permettaient aux rédacteurs de disposer d'informations sur le pays, que les représentants de la France sur place ne parvenaient pas toujours à obtenir.

Le chercheur notera dans le volume 136 consacré à la représentation diplomatique et au protocole des documents relatifs au fonctionnement de l'ambassade de France en Albanie mais également au corps diplomatique et consulaire albanais en France et à l'étranger, des informations qui traduisent la situation particulière du pays ; à ce titre, l'aménagement d'un abri dans le périmètre de l'ambassade de France en 1975-1976, comme l'attentat perpétré contre les bâtiments de l'ambassade d'Albanie en France, illustrent l'atmosphère obsidionale qui règne à Tirana ainsi que les aléas de sa politique étrangère. Les représentants de la France accordent naturellement une attention toute particulière à l'évolution du régime ainsi qu'aux discours d'Enver Hodja, chef du gouvernement et premier secrétaire du Parti communiste albanais. L'état de santé du dirigeant suprême est étudié avec soin tandis que les diplomates soulignent le développement du culte de la personnalité dont il est l'objet. Or la vie politique albanaise connaît à cette époque des soubresauts avec l'éviction, en juin 1974, du général Balloukou, ministre de la Défense et vice-président du Conseil. L'épuration dont sont victimes plusieurs ministres et leurs principaux collaborateurs prélude à une campagne de lutte contre la bureaucratie qui entraîne d'importants changements dans le parti et le gouvernement et qui atteint la société toute entière. Le durcissement du régime apparaît en effet incontestable aux yeux des observateurs étrangers. Toujours dans le volume consacré à la politique intérieure, notons également plusieurs dépêches sur la nouvelle constitution albanaise ainsi que quelques documents relatifs à l'émigration albanaise, des statistiques, et aux activités en exil du roi Léka II.

Le petit volume consacré aux questions religieuses évoque la persécution dont sont victimes les organisations religieuses dans un pays qui fait profession d'athéisme ; l'exécution du prêtre Stefan Kurti provoque de vives réactions de la part du Saint-Siège. La propagande athéiste du régime donne lieu à des observations particulièrement intéressantes.Bien qu'il soit bien difficile de séparer les activités de l'Etat et celle du Parti, un volume est consacré à la vie du Parti du Travail, nom porté en Albanie par le Parti communiste, au VIe congrès qui en 1971, condamne notamment le système yougoslave de l'autogestion. Ce même volume contient les documents relatifs aux relations avec les partis communistes étrangers. Dans le volume consacré à la défense et aux questions militaires, les représentants de la France notent tout particulièrement l'effort de défense engagé par l'Albanie dont les dirigeants ne croient pas aux promesses de la détente et qui renforcent les mesures de protection et de défense, en 1975 notamment ainsi que, naturellement, la coopération militaire avec la Chine.

Ils se réjouissent de l'excellente position occupée par la France dans le domaine culturel, position qui est en partie attribuée à l'enseignement dispensé au lycée français de Korça qui a formé la plupart des dirigeants du pays. On note également qu'est évoqué dans ce dossier l'enseignement de l'albanais à l'Université de Caen. L'amélioration des relations favorise l'organisation de manifestations artistiques entre les deux pays dont témoignent l'exposition sur l'art albanais organisée au Petit-Palais en 1974 ou celle consacrée aux tapisseries françaises à Tirana en 1976.

Les volumes consacrés aux questions économiques accordent une large place à la réalisation du Ve plan quinquennal puis à l'adoption du VIe plan pour les années 1976-1980. Les observateurs notent en effet les retards constatés dans la réalisation du plan, notamment dans le domaine de l'agriculture et de l'élevage, victimes de la collectivisation des terres et du découragement de la paysannerie, difficultés que ne compensent pas une timide ouverture au tourisme. L'aide chinoise accordée à l'économie albanaise, notamment par des prêts, est soulignée dans le volume consacré aux relations économiques avec les autres pays.

En ce qui concerne les relations économiques avec la France, très modestes pour ne pas dire presque symboliques, une grande partie du volume est consacrée à la négociation d'accords commerciaux entre les deux pays, ceux du 22 mars 1971, des 7 avril et 15 décembre 1972, aux achats de tabac pour le compte de la SEITA et de minerai de chrome.  

Les représentants de la France insistent naturellement dans le domaine de la politique extérieure sur la politique suivie par les dirigeants albanais qui ne croient pas à la détente et dénoncent l'hégémonie des deux super puissances et s'allient à la Chine. Le refus de l'Albanie de participer aux travaux de la CSCE, ses relations avec ses voisins, la Grèce et la Yougoslavie, font également l'objet des dépêches des diplomates français en Albanie ainsi que le différend qui oppose l'Albanie à la Grande-Bretagne au sujet des fréquences de Radio-Tirana qui interfèrent avec celles de la BBC. Il convient de noter que le volume 147 relatif aux relations entre l'Albanie et les organismes internationaux est consacré pour l'essentiel, à la communication au gouvernement albanais, via l'ambassade de France à Tirana, des conventions internationales transmises par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Le volume 150 consacré aux relations avec la Chine revêt naturellement une importance particulière compte tenu des positions adoptées par l'Albanie tandis que les relations avec l'URSS et le refus opposé par les dirigeants albanais aux avances et propositions de normalisation des relations présentées par le gouvernement soviétique font l'essentiel du volume 148. La reprise des relations diplomatiques avec la Grèce, après trente ans d'interruption, la question du Kossovo et les relations avec la Yougoslavie et notamment l'incident de frontière qui oppose les deux pays en décembre 1975 sont aussi largement évoqués dans le volume 151.

Les relations avec la France, limitées, n'occupent qu'un volume : le chercheur y trouvera des informations sur les visites ou projets de visite de personnalités albanaises en France ainsi qu'au séjour à Tirana, en 1973, de l'ancien ministre Jacques Marette, rapporteur du budget des affaires étrangères à la commission des finances de l'Assemblée nationale. Les activités des associations d'amitié entre les deux pays complètent le volume.  En revanche, les volumes consacrés à la documentation sont plus abondants avec d'une part la chronologie élaborée par l'ambassade de France pendant la période et d'autre part les rapports de mission des représentants de France à Tirana qui évoquent de façon particulièrement documentée l'atmosphère toute spéciale qui règne alors dans le pays.

 la sous-série Albanie correspond à la cote 177QO dans le plan de classement du centre d'archives et de documentation de la direction d'Europe. Le classement d'origine a été respecté mais les dossiers ne contenant que quelques documents ont été regroupés. Les erreurs de classement ou de cotation ont été rectifiées. La tranche chronologique regroupe les dossiers produits par la direction d'Europe entre le 1er janvier 1971 et le 30 juin 1976.

Libres

Répertoire numérique détaillé par Pascal EVEN, conservateur général du patrimoine, La Courneuve, 2014, 7 p.Voir l'inventaire.