Cote/Cotes extrêmes
Date
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Description physique
Origine
Biographie ou Histoire
Maurice Baumont est né le 26 février 1892 à Lunéville, fils unique d'Henri Baumont, qui était alors principal du collège de la ville, et d'Alix Donzey. La famille paternelle est originaire de Franche-Comté, fixée à Luxeuil-les-Bains au nord de Vesoul, et la famille maternelle bourguignonne, des environs de Dijon. Henri Baumont, docteur ès lettres et historien pour qui Maurice gardera une grande piété filiale [1] , décède jeune, en 1909, alors proviseur du lycée de Beauvais, où Maurice passe une partie de son enfance. Poursuivant l'ascension de sa famille, Maurice, après des classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand à Paris, est normalien à 19 ans (promotion 1911), licencié d'histoire et de géographie en 1912, diplômé d'études supérieures d'histoire et de géographie en 1913, agrégé avec l'écrit et un oral interrompu en 1914. Mobilisé, il est fait prisonnier à Friedberg, au nord de Francfort, alors que neuf de ses camarades de promotion tombent au front. Ce drame, une enfance entre deux conflits à proximité de l'ennemi, la captivité, le marquent profondément et décident son choix d'étudier l'Allemagne, ainsi que sa détestation de la guerre.
Ayant pu pratiquer l'allemand dans le camp de prisonniers, arrivé à une maîtrise presque parfaite de la langue, à peine libéré et démobilisé en novembre 1918, il est appelé par l'ambassade de France à Berne grand centre des informations sur l'Allemagne, la France n'ayant pas de poste à Berlin comme attaché de presse. Là, il dépouille la totalité de la presse allemande et en réalise un bulletin quotidien : il gardera toute sa vie cette capacité de veille et de synthèse, que l'on retrouvera dans la préparation de ses ouvrages. En août 1919, il est appelé à Berlin même, dans la toute jeune Mission politique première mission diplomatique française envoyée en Allemagne après l'Armistice , dont le chef, Émile Haguenin, a recruté plusieurs agrégés. Cette « Mission Haguenin » réalise un travail d'information afin de mieux comprendre la révolution allemande en cours. Après le rétablissement des relations diplomatiques, en juillet 1920, Baumont reste à Berlin : il est intégré à la Commission des Réparations, où il reste jusqu'en février 1927 et dont il est, dès septembre 1921, le chef du service de documentation. La question de la dette allemande, le charbon, l'industrie et les exportations allemandes, les chemins de fer, sont les principaux thèmes des rapports qu'il rédige. Ses affectations postérieures sont toujours au sein de services de documentation : il est chef de ce service à la Société des Nations à Genève entre février 1927 et septembre 1939, puis du service de documentation économique au ministère des Colonies d'août 1939 à juin 1948, terminant là la première partie de sa carrière, proprement diplomatique et ministérielle. Le passage à Genève, aux premières loges des sombres années précédant la Seconde Guerre mondiale, est fondamental : il assiste aux tentatives impuissantes de la SDN pour maintenir la paix face à la montée du nazisme, thème qui sera central dans son œuvre future. Admirateur d'Aristide Briand, il est convaincu de la nécessité de la paix avec l'Allemagne de Weimar, mais, dès avant 1933, prône l'inflexibilité face à Hitler.
À cette expérience professionnelle s'ajoute une expérience intime, puisqu'il épouse en 1930 une juive allemande réfugiée en Suisse, Fanny Kramer (née Katz) veuve et mère d'une petite fille Betti dite Arlette qu'il élève et adoptera en 1958. Ils vivent ensemble l'extension du péril antisémite, en particulier après le retour de la famille à Paris en septembre 1939. Maurice Baumont participe au réseau « Délégation générale » des Forces françaises combattantes (FFC), au sein de la mission Soulas Salmon et surtout, du 15 au 18 juillet 1942, au moment des grandes rafles, cache 14 Juifs (parmi lesquels Sophie Neu, Guillaume et Jenny Bromberger) dans son logement de la rue Spontini sort que partage d'ailleurs sa fille Arlette et probablement sa mère dans un espace secret de l'appartement. Le 6 juin 1985, il sera déclaré Juste parmi les Nations par l'Institut Yad Vashem.
La carrière enseignante prend ensuite le pas sur la carrière administrative et diplomatique : après une brève expérience en 1919 et avoir été mis en disponibilité, il revient dans le monde enseignant en 1941 comme professeur au Conservatoire national des arts et métiers pendant dix ans, avec des cours sur la géographie commerciale et industrielle et sur l'économie mondiale en 1945. Parallèlement, il exerce aussi à l'Institut d'agronomie coloniale. Puis, de 1951 à sa retraite officielle en 1961, il est professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne. Cet enseignement principal ne l'empêche pas de donner des cours parallèlement aux Instituts des Hautes études internationales de Paris et de Genève. Ses grands cours de Sorbonne portent sur la France après 1870, l'histoire de l'Allemagne de 1890 à 1933, l'histoire de l'Europe depuis 1919, la Méditerranée de 1869 à 1939. Il encadre en tout plus de 100 étudiants, dont il conserve les divers travaux et dont beaucoup, tels Pierre Chaunu, Jean-Baptiste Duroselle, Jacques Bariéty, resteront ses disciples.
Élu membre de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres le 1er avril 1957 au fauteuil de Lucien Febvre, Maurice Baumont reçoit en 1963 la charge de conservateur du musée Condé à Chantilly, propriété de l'Institut de France, qu'il occupe jusqu'à son décès. Dès une date précoce, il s'investit beaucoup dans le milieu associatif. Dans les années 1950-1970, avec notamment la présidence de la Société d'histoire de la IIIe République, et un rôle prééminent parmi les administrateurs du Comité d'histoire de la 2de Guerre mondiale et de l'Association française de Science politique, il organise de nombreux colloques internationaux. Avec l'association italienne du Risorgimento, il organise un colloque à Chantilly. Il s'intéresse à de nombreux pays étrangers et y voyage constamment : Balkans et Europe centrale (Roumanie, Albanie, Bulgarie&), Israël, Chine en particulier. Son activité de conférencier, de 1933 à 1979, est considérable, comme le lecteur pourra le voir avec l'échantillon représenté par les dossiers de conférences conservés dans le fonds.
Il serait inutile de résumer ici son œuvre abondante : le fonds conserve d'importants dossiers relatifs à 17 de ses ouvrages rédigés en tant qu'auteur, 16 rédigés en tant que collaborateur (il encadra plusieurs grands projets de collections) et de très nombreux articles. On citera simplement parmi ses œuvres les plus significatives ses premiers ouvrages, L'Allemagne, lendemains de guerre et révolution (1922), décrit par P. Chaunu comme prémonitoire, La Grosse industrie allemande et le charbon, publication de sa thèse de doctorat ès-lettres (1928), L'Affaire Eulenburg (1933), étude pionnière sur le scandale entourant un prince homosexuel conseiller de Guillaume II, puis La Faillite de la paix (1945 et souvent réédité), qui résumé l'essentiel de sa pensée autour de l'engrenage ayant conduit à la Seconde Guerre mondiale. Aux Sources de l'Affaire Dreyfus (1959) est également une étude novatrice relisant un topique ultra-étudié à partir des sources diplomatiques allemandes jusque-là inédites.
Au carrefour de l'œuvre d'historien et de l'activité professionnelle, la plus grande tâche de Maurice Baumont est sans doute l'édition des documents diplomatiques allemands. Avec l'occupation de Berlin par les Alliés, les États-Unis et l'Angleterre avaient commencé à étudier et à exploiter les archives allemandes qu'ils avaient trouvées sur place. Une entreprise d'édition de ces sources avec le propos central d'expliquer les causes profondes de la catastrophe nazie, mais aussi de mieux comprendre les relations des différents pays du monde avec l'Allemagne fut commencée, d'abord sans la France. En 1946, la France obtient d'y participer et c'est Maurice Baumont nommé conseiller historique du ministère des Affaires étrangères qui la représente. Entre septembre 1946 et juin 1948, il encadre une première mission à Tempelhof, quartier berlinois où se trouvent les archives de l'Auswärtiges Amt, à laquelle participent des archivistes français. En juillet 1948, les archives sont transférées à Whaddon Hall, un manoir anglais, où Baumont se rend aussi à plusieurs reprises. En 1959 enfin, les archives rejoignent Bonn, mais l'édition des documents se poursuit. Du côté français, cette édition donne lieu, de 1950 à 1961, à 7 volumes des Archives secrètes de la Wilhelmstrasse du tome I au tome IX (les tomes VI et VII n'ayant jamais paru).
Le lecteur se reportera avec profit aux nombreuses notices biographiques et bibliographiques sur Maurice Baumont conservées à la cote 303PAAP/261, en particulier celle de Pierre Chaunu (1983).
[1] Il publie de façon posthume un ouvrage de son père, La Révolution à Luxeuil et dans le district de Luxeuil (voir cote 303PAAP/141).
Histoire de la conservation
Les archives personnelles de Maurice Baumont étaient conservées dans son appartement du 10 rue Émile-Acollas à Paris (XVIe arrondissement). À son décès en 1981, elles ont été divisées en deux ensembles : la grande majorité, constituée des documents produits par Maurice Baumont dans l'exercice de ses fonctions professionnelles, enseignantes et associatives, ainsi que ses travaux scientifiques (sans oublier sa bibliothèque et les dactylographies des mémoires soutenus par ses étudiants), a été transférée au musée Maurice Baumont de Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) créé sur l'initiative de sa fille adoptive Arlette Kramer-Baumont, par accord non formalisé avec la mairie. Ce musée était situé dans la Maison du Bailli, une demeure du XVe siècle. Il y a fonctionné comme un centre de documentation accueillant quelques chercheurs, jusqu'en 1999, date de sa fermeture sur les instances de la mairie, désireuse de récupérer les locaux. En 2002, ces derniers ayant été évacués, les archives, déposées par Mlle Baumont, rejoignirent un stockage provisoire du ministère des Affaires étrangères situé boulevard Ney à Paris puis, en février 2010, après l'ouverture du nouveau site, les Archives diplomatiques de La Courneuve. Ce premier ensemble représentait alors 135 ml.
Une seconde partie du fonds, constituée des archives personnelles et familiales de Mlle Baumont (comprenant les correspondances intimes, albums de photographies) mais aussi des archives de l'Association des Amis de Maurice Baumont créée en 1981 et dissoute en 2011 et de quelques restes de dossiers historiques de l'historien, était restée au domicile de cette dernière au 11 rue d'Arcueil à Paris (XIVe arrondissement). Une petite partie fut d'abord confiée au ministère des Affaires étrangères en complément au premier dépôt par Mlle Baumont en 2007 (dossiers relatifs à la publication des Archives de la Wilhelmstrasse, principalement les copies de documents). Mais ce n'est qu'à la mort de Mlle Baumont en 2011 que tous les autres documents restés chez elle (14 ml) ont rejoint le reste du fonds.
Les deux ensembles comprenaient des objets (garniture du bureau de M. Baumont, son costume et son épée d'académicien...).
À ces deux ensembles, ont été ajoutées les archives issues de l'activité de M. Jacques Delpy dans le cadre de l'Association des Amis de Maurice Baumont, que ce dernier a données aux Archives diplomatiques pour rejoindre le fonds Maurice Baumont, et qui jusque-là étaient conservées à son domicile (0,40 ml correspondant aux cotes 303PAAP/288 à 291).
Modalités d'entrées
Dépôt d'Arlette Kramer-Baumont en faveur de la direction des Archives du ministère des Affaires étrangères par convention signée le 9 avril 2003 (portait sur les archives transférées du musée de Luxeuil et une petite partie du fonds resté chez Mlle Baumont transféré en complément du premier dépôt en 2007 [1]) ; legs au ministère par testament olographe de Mlle Baumont du 1er septembre 2007 déposé en l'étude de Me Ceyrac, notaire à Paris, ouvert le 29 novembre 2010 (enregistré le 10 décembre) et accepté par arrêté du ministre des Affaires étrangères et européennes le 20 octobre 2011, publié au Journal officiel le 29 du même mois. Don de se ses archives de trésorier de l'association par Jacques Delpy le 13 juin 2023.
[1] Ce second dépôt n'est attesté que par une lettre no 42/AR/MG/cl/4E1 D signée Jean Mendelson, directeur des Archives, datée du 7 janvier 2008, conservée dans le dossier du fonds au sein du service.
Présentation du contenu
Le fonds Maurice Baumont, augmenté des fonds stricto sensu de sa fille Arlette (et de la participation de cette dernière à l'Association des Amis de Maurice Baumont) et de celui de l'activité de trésorier de Jacques Delpy, est l'un des fonds les plus abondants et les plus riches conservés parmi les papiers d'agents et archives privées des Archives diplomatiques. Cette diversité s'étend d'archives strictement familiales et personnelles, ainsi que de la correspondance particulière de l'historien, aux documents de son activité professionnelle, enseignante et scientifique, mais aussi aux documents de la « mémoire » de Maurice Baumont après sa mort (musée, association, prix littéraire).
Le fonds est quasiment inédit, car depuis le premier dépôt de 2003, il ne bénéficiait pas d'inventaire complet et ne pouvait être consulté que de façon très partielle. Même s'il serait trop laborieux de citer ici tous les domaines qu'il permet d'éclairer, on peut néanmoins s'attacher à ceux qui sont les plus plébiscités par les travaux historiques récents. Tout d'abord, les papiers personnels (cotes 303PAAP/1 à 23) permettent de découvrir plus précisément, d'un côté, l'ascension d'une famille française issue du monde rural et ouvrier, de l'autre, le parcours d'une famille juive allemande et hongroise, celle de Mme Fanny Baumont née Katz, qui a vécu les persécutions et l'exil. On y trouve, pour le tout début du XXe siècle, des correspondances intimes, papiers de gestion et photographies (pour ce qui est des voyages de Maurice et Arlette Baumont : une importante collection de diapositives). Quant aux archives de Mlle Baumont, elles mettent en relief son rôle de secrétaire et d'assistante indispensable de son père aussi interprète, traductrice, relectrice , mais pas seulement, puisqu'elle fut elle-même assistante sociale, spécialisée dans les questions d'enfance, auteur d'une étude sur Les Instituts de l'enfance à travers le monde, et qu'elle mit à profit ses incessants voyages pour présenter en France à travers des conférences illustrées des pays méconnus tels que la Chine.
La correspondance particulière de Maurice Baumont (cotes 303PAAP/231 à 237), qui est exclusivement passive presque aucun brouillon significatif n'ayant été conservé est abondante : on dénombre 741 correspondants différents. Beaucoup d'entre eux n'ont écrit qu'une ou deux lettres, mais plusieurs figures ont nourri des échanges abondants avec l'historien, montrant une amitié ou des relations scientifiques particulièrement fournies : Joseph Avenol, secrétaire général de la Société des Nations, qu'il a côtoyé alors qu'il dirigeait le service de documentation de cette organisation, lui a beaucoup écrit presque jusqu'à sa mort, et ses réflexions lui ont servi pour l'écriture de ses ouvrages sur l'entre-deux-guerres ; le diplomate Marcel Berthelot fut le co-auteur de son premier ouvrage, puis ils ne cessèrent d'échanger, en particulier lorsque Berthelot occupa de hautes fonctions diplomatiques dans les années 1945-1950 ; les historiens Marc Bloch et Lucien Febvre, fondateurs de la revue des Annales sollicitèrent M. Baumont au début de leur entreprise et portaient une grande admiration à ses travaux, comme en témoignent plusieurs longues lettres d'eux (respectivement 3003PAAP/231 et 303PAAP/234) ; Jean Cocteau, que M. Baumont sollicita en 1932 dans le cadre de l'écriture de son ouvrage L'Affaire Eulenburg pour lui demander des informations sur son oncle défunt Raymond Lecomte, conseiller d'ambassade à Berlin à l'époque de Guillaume II et personnage central de l'affaire (303PAAP/232, voir reproduction p. 19 de cet inventaire) Baumont cita dans le livre un extrait d'une lettre de Cocteau parlant d'« éclaircir l'énigme d'un drame d'où Freud et bien d'autres choses profondes devaient naître » ; André François-Poncet, l'un des amis les plus proches, écrivit dès 1920 et ils continuèrent à se consulter mutuellement sur la politique internationale au-delà de ses fonctions au ministère des Affaires étrangères ; l'écrivain allemand Alexandre von Gleichen-Ruwurm ; Émile Haguenin qui fut le premier supérieur de Maurice Baumont à Berlin et resta son ami ; le journaliste allemand Maximilian Harden, protagoniste de l'affaire Eulenburg dont Baumont put recueillir les témoignages directs ; Lucien Herr, célèbre bibliothécaire de l'École normale supérieure qui exerça sur Baumont une influence comme sur beaucoup de savants de sa génération ; Oswald Hesnard, conseiller de Briand pour les affaires allemandes ; René Massigli, directeur des Affaires politiques du Quai d'Orsay, résistant puis ambassadeur en Angleterre après 1944, qui partageait avec Baumont des convictions défavorables à l'apaisement envers l'Allemagne hitlérienne, l'un et l'autre se consultant sur leurs travaux respectifs ; le directeur des Archives diplomatiques Amédée Outrey ; l'historien Pierre Renouvin ; l'économiste Adrien Robinet de Cléry ; Pietro Stoppani, attaché à la délégation italienne de la Conférence de la paix ; et, enfin, certainement les deux principaux correspondants en nombre de lettres, Étienne Weill-Raynal, membre du gouvernement du Front populaire, et Georges Wormser, banquier, homme politique et historien dont Maurice Baumont participa à sauver l'appartement et les meubles sous l'Occupation. Il faudrait y ajouter des lettres de nombreux membres de l'Académie française, historiens français et étrangers, ainsi que de beaucoup d'élèves de Maurice Baumont, qui peuvent porter sur des points historiques ou des demandes de conseils.
Les archives issues de l'activité professionnelle et publique de Maurice Baumont (303PAAP/24 à 110) sont certainement, avec la correspondance, l'ensemble le plus riche : les traces de sa période diplomatique et administrative, relativement brève (1917-1948), qui couvrent les cotes 303PAAP/24 à 47, contiennent surtout les rapports qu'il a rédigés à Berlin puis à Genève, sur les sujets brûlants de l'époque, en particulier économiques (réparations et dette, industrie...). Ont été conservés les dactylographies des rapports mais aussi les dossiers de recherches documentaires qui renseignent précisément sur le travail d'attaché de presse et de veille qui était réalisé à l'époque dans les postes, illustrant une efficacité pour laquelle, on l'a dit, Baumont fut tôt apprécié. On notera les dossiers de préparation de différents sommets internationaux des années 1930 dont Baumont dirigea la documentation pour la SDN et des missions d'information à Londres, en Pologne et en Roumanie (303PAAP/39 à 40). Entre 1945 et 1947, alors qu'il était déjà fonctionnaire du ministère des Colonies, il réalisa des missions ponctuelles en Allemagne pour élaborer des projets de dénazification et de nouvelle organisation territoriale et constitutionnelle de l'Allemagne (303PAAP/47).
Mention particulière doit être faite de l'ensemble abondant des archives relatives à l'édition des documents diplomatiques allemands (303PAAP/48 à 94), dont l'architecture et la constitution sont complexes. Ces archives n'ont pas toutes été produites par Maurice Baumont lui-même : en tant que conseiller historique du ministère des Affaires étrangères, il bénéficiait d'un bureau au Secrétariat des Conférences (ancêtre de la direction des Nations Unies et Organiations internationales), la conférence anglo-franco-américaine sur les archives allemandes constituant à proprement parler une conférence internationale. Il semble donc avoir conservé avec lui le dossier spécifique de ce Secrétariat relatif à ses missions. Comme on y reviendra un peu plus bas, ces archives ont été clairement séparées et placées en tête au moment de l'inventaire. Pour tout chercheur s'intéressant aux rapports ambivalents entretenus par les Alliés autour des documents allemands après-guerre, ce sous-fonds est indispensable. On y trouve l'écho des controverses autour de la présence, dans les télégrammes nazis, des noms de personnalités anglaises, américaines ou françaises ayant fréquenté des dignitaires nazis avant 1939, et les dissensions autour d'éventuels « caviardages » à réaliser dans l'édition finale (voir à ce sujet notamment la cote 303PAAP/50). Dans ce même sous-fonds : les dossiers de suivi de la conférence des éditeurs elle-même, où les représentants des pays se concertaient sur les orientations générales de l'édition (303PAAP/51 et 52), des deux missions d'archives où M. Baumont a représenté la France et où il se rendait de façon épisodique pour échanger avec les équipes d'archivistes qui y travaillaient à temps plein : Tempelhof et Whaddon Hall (303PAAP/53 et 54). Des dossiers « symétriques » produits par les membres des missions eux-mêmes se trouvent également dans le fonds, là encore conservés par M. Baumont bien qu'il n'en soit pas le producteur : Tempelhof (303PAAP/56 à 59) et Whaddon Hall (303PAAP/60 à 71). Les deux dossiers personnels de M. Baumont ont logiquement été mis en fin de classement : ils concernent Whaddon Hall (303PAAP/72-73) et l'édition des documents après la restitution des archives originales à la RFA à Bonn (303PAAP/74-90). Un grand pourcentage de cette dernière partie est constitué par des copies de documents diplomatiques allemands (cotes 303PAAP/77 à 90), selon un échantillonage explicité plus bas. Mais des documents diplomatiques français sont également présents, sous forme de copies, de doubles ou encore d'originaux (cotes 303PAAP/91 à 94). La présence de certains originaux et de doubles issus directement de collections des Archives diplomatiques s'explique là encore par les fonctions de conseiller de M. Baumont, qui put conserver avec lui certains dossiers utiles à la rédaction de ses ouvrages. C'est sans doute le cas d'un spécimen d'archives de la famille Favre-Maritain (des lettres écrites par le ministre Jules Favre à son gendre l'avocat Paul Maritain), conservé en 303PAAP/215, vraisemblablement donnés par Geneviève Favre-Maritain elle-même comme une lettre semble l'accréditer.
À côté de cette dernière partie, qui constitue en quelque sorte le pivot du fonds, on pourra citer plus sommairement les dossiers relatifs à l'Académie des Sciences morales et politiques (303PAAP/95 à 97), qui donnent une idée de la vie intellectuelle intense d'un grand professeur, avec des pièces d'ordre plutôt formel et des candidatures d'autres historiens pour entrer dans la compagnie ; ou encore les documents relatifs au château de Chantilly (303PAAP/98-100), d'ordre essentiellement administratif et pratique. Plus significatifs sont les dossiers d'activités associatives (303PAAP/101 à 110), dont le spectre large montre l'ouverture et la curiosité intellectuelle de Baumont, qui n'hésita pas à découvrir de façon approfondie la Chine de Mao et différentes démocraties populaires d'Europe centrale.
Les archives de la carrière enseignante (303PAAP/118 à 138), en dehors des questions administatives, sont à rapprocher de celles des travaux scientifiques : elles sont constituées en majeure part de dactylographies, de brouillons et de documentation de cours. Les travaux scientifiques (303PAAP/139 à 226), qui forment un ensemble très dense, présentent la même typologie, mais avec, comme point différentiel, la présence de correspondances d'éditeurs et de questions de droits d'auteur. En ce qui concerne les conférences et les participations à des colloques, on a également des éléments relatifs aux déplacements et aux questions pratiques.
Les documents issus de l'association, du musée Maurice Baumont à Luxeuil et de l'organisation du prix Maurice Baumont (303PAAP/260 à 311) sont postérieurs à la mort de l'historien. Ils montrent le grand investissement d'Arlette Kramer-Baumont dans la sauvegarde de la mémoire de son père, avec une très abondante correspondance (303PAAP/269 à 284) qu'elle entretint avec différents historiens, politiques, éditeurs, pour rééditer les ouvrages de son père, organiser des colloques et des conférences autour de son œuvre. On trouvera aussi dans la partie du musée des inventaires des collections de cet établissement relativement éphémère (1983-2002).
Évaluation, tris et éliminations, sort final
Le fonds Maurice Baumont fut conservé avec amour et déférence par sa fille adoptive qui, en raison de sa piété filiale, n'effectua aucun tri ni aucune élimination, considérant que chaque pièce, jusqu'à la plus minime, avait une valeur historique. Cela explique l'énormité du fonds originel (140 ml en comprenant les parties déposées en 2002-2007, qui occupaient 1009 cartons en mai 2010, et celle récupérée en 2011). Mlle Baumont, aidée de quelques bénévoles, réalisa au musée de Luxeuil un premier inventaire, livre par livre en ce qui concerne la bibliothèque, très sommaire en ce qui concerne les archives (139 p., s.d., voir 303PAAP/297), ce dernier devenu inutilisable avec la fragmentation du fonds et son reconditionnement.
Sur les 1009 cartons originels, 393 contenaient les ouvrages imprimés de la bibliothèque, et un ensemble de 368 autres, non inventoriés, d'autres ouvrages, des tirés-à-part et des dactylographies de mémoires d'étudiants. En 2011, les ouvrages imprimés sont extraits des deux séries et intégrés à la bibliothèque des Archives diplomatiques.
Entre 2011 et 2024, plusieurs tris et éliminations sont réalisés sur tout le fonds, portant le nombre final de cartons à 684. Pendant cette période, divers récolements sont rédigés par Françoise Aujogue, responsable des Papiers d'agents et Archives privées, puis, entre novembre-décembre 2011 et mars-mai 2012, Jakob Janis Burger édite un répertoire partiel de la correspondance ; un nouveau travail est effectué par Vincent Szukala en 2021 alors que le fonds mesure encore 100 ml. Mais il faut attendre fin 2024 pour qu'un classement et inventaire complet, repris à zéro, ainsi qu'un conditionnement définitif soit réalisé.
À la faveur de cette dernière opération, sur le contenu des 684 cartons trouvés dans les magasins, tous les ouvrages imprimés qui restaient ont été transférés à la bibliothèque (à l'exception d'un exemplaire de chaque ouvrage de Maurice Baumont laissé avec le dossier de rédaction dudit ouvrage), ainsi qu'une abondante documentation sans lien direct avec les activités et ouvrages de Maurice Baumont et sans annotation, masse qui est difficile à déterminer mais qui ne saurait dépasser 20 cartons. Les mémoires universitaires qui, on le sait, représentaient 31 cartons, ont également rejoint la bibliothèque ; de même, trois recueils d'Oscar Lazar ont finalement été confiés à la bibliothèque en décembre 2024 en tant qu'imprimés [1]. Si l'on met de côté ces 52 cartons environ d'ouvrages, on peut considérer que l'équivalent de 331 cartons a été éliminé pour arriver aux 311 cotes de l'inventaire final.
Voici les critères d'élimination retenus : ont été écartés tous les doubles et les photocopies, prospectus et documentation touristique sans lien avec les activités de Maurice Baumont, les factures, documents comptables et médicaux d'Arlette Baumont.
En ce qui concerne l'ensemble colossal de coupures de presse, le choix était difficile, dans la mesure où le sujet des coupures coïncidait avec les travaux de l'historien : néanmoins, ces coupures, dans leur très grande majorité, n'étaient ni annotées, ni classées, ni même référencées. Leur usage, sans mention de la date et du journal, était donc difficile. De plus, matériellement les documents ne comportaient aucun signe pouvant faire penser à leur consultation ou à leur utilisation par Maurice Baumont, et dans de nombreux cas il semble même que les coupures avaient été réunies postérieurement à sa mort dans le cadre du musée de Luxeuil. N'ont été conservées que les coupures qui étaient présentes au sein de dossiers thématiques clairement constitués et qui ont été placées aux cotes 303PAAP/212 à 226.
Parmi les documents relatifs à l'édition des archives allemandes, toutes les épreuves imprimées non annotées des deux éditions (la française et l'allemande) ont été éliminées (soit 9 cartons). Les copies de documents diplomatiques ont fait l'objet d'un échantillonnage réalisé sur la base d'indications données par le professeur Georges-Henri Soutou. Seuls certains thèmes dont le lecteur trouvera le détail dans l'inventaire des articles 303PAAP/77-90 ont été conservés, sur le critère que les documents qu'ils illustraient étaient moins facilement accessibles en Allemagne que les autres. Pour les copies éliminées, on a néanmoins conservé les courriers de transmission (qui détaillent les copies transmises) qui ont été placés dans la correspondance générale (cotes 303PAAP/74 et 75).
[1] Il s'agit de trois ouvrages trombinoscopiques des membres de la SDN par Oscar Lazar, dans chacun desquels M. Baumont fait l'objet d'un portrait :
- Les ouvriers de la paix, Genève, 1924.
- Société des Nations, Genève 1930, Genève, 1930.
- L'Assemblée et le Secrétariat de la Société des Nations, Genève 1930, Genève, 1930.
Mode de classement
Les archives ont été classées selon un plan déterminé en 2020-2021 par les Archives diplomatiques avec Vincent Szukala, qui met en valeur la séparation entre les papiers personnels, les différentes catégories d'activité de l'historien et sa correspondance, plaçant à la fin la « mémoire » de Maurice Baumont. À l'occasion du présent inventaire, le classement a été repris complètement et aucun précédent inventaire ou récolement n'a été repris ou utilisé.
Conditions d'accès
Accès libre selon le Code du Patrimoine.
Conditions d'utilisation
Suivant le règlement de la salle de lecture.
Langue des unités documentaires
Autre instrument de recherche
Répertoire numérique détaillé par Sylvain Chevauché, archiviste paléographe, La Courneuve, 2025, 99 p. Consulter l'inventaire.
Documents en relation
Ministère des Affaires étrangères, centre des archives diplomatiques de La Courneuve
Personnel
Correspondance politique et commerciale (CPCOM) / Série Z-Europe
Relations commerciales
Service français de la Société des Nations (SFSDN), 1917-1940 (242QO)
En particulier 242QO/165 (dossier personnel de M. Baumont), 242QO/222 (décorations de M. Baumont), 242QO/1207 à 1219bis (conférence économique et monétaire de Londres), 242QO/1445 (conférence sur le sucre).
Secrétariat des Conférences
Zone française d'occupation en Allemagne et en Autriche (ZFO)
Archives des archives
Papiers d'agents et archives privées
Ministère des Affaires étrangères, centre des archives diplomatiques de Nantes
Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine
Archives nationales d'Outre-mer à Aix-en-Provence
Ministère des Colonies
Fonds de l'École nationale de la France d'outre-mer
Archives de l'Institut de France, Paris
Archives du Château de Chantilly
Archives du Conservatoire national des arts et métiers, Paris
Institut national de l'audiovisuel, Paris
Archives audiovisuelles d'émissions de télévision et de radio auxquelles a participé Maurice Baumont, parmi lesquelles Les Lundis de l'histoire du 8 janvier 1968 avec la voix de M. Baumont (https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/audio/p14251429/les-reparations-imposees-a-l-allemagne-dans-l-entre-deux-guerres).
Archives de la Société des Nations, Genève
Archives de l'Institut Yad Vashem, Jérusalem
Bibliographie
L'ensemble des ouvrages imprimés du fonds Baumont et des dactylographies des travaux d'étudiants ont été transférés à la Bibliothèque, où ils sont consultables à partir du catalogue Stendhal en indiquant le mot « Baumont » dans le champ « donateur ».
Le lecteur se reportera avec profit aux nombreuses notices biographiques et bibliographiques sur Maurice Baumont conservées sous la cote 303PAAP/261, en particulier celle de Pierre Chaunu, Notice sur la vie et les travaux de Maurice Baumont (1892-1981), lue dans la séance du 18 octobre 1983 de l'Académie des sciences morales et politiques.
Nous ne recensons pas ici les ouvrages écrits par Maurice Baumont, mais seulement quelques ouvrages et articles donnant plus d'informations sur le contexte de sa vie et de sa carrière :
ABALLÉA (Marion), « Une diplomatie de professeurs au cœur de l'Allemagne vaincue : la mission Haguenin à Berlin (mars 1919-juin 1920) », dans Relations Internationales, 2012, no 2, p. 23-36.
BARIÉTY (Jacques, dir.), Aristide Briand, la Société des Nations et l'Europe : 1919-1932, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2007.
BARIÉTY (Jacques), ROBIN (Thierry), PODEROS (Jean) et VIDAL-NAQUET (Pierre), À la recherche de la paix France-Allemagne : Les carnets d'Oswald Hesnard, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2011.
BARIÉTY (Jacques), GUILLEN (Pierre), POIDEVIN (Raymond), SOUTOU (Georges-Henri), Penser et construire l'Europe de 1919 à 1992, Paris, Hachette, 2007.
KENT (George O.), « The German Foreign Ministry's Archives at Whaddon Hall, 1948-58 », dans The American Archivist, vol. 24, no 1 (janvier 1961), p. 43-54 [consultable en ligne sur : https://doi.org/10.17723/aarc.24.1.w43046451p884252].
MIARD-DELACROIX (Hélène), Question nationale et nationalisme : perceptions françaises d'une problématique allemande au début des années cinquante, Lille-Villeneuve d'Ascq, Presses du Septentrion, 2004.
MIARD-DELACROIX (Hélène, dir.) et HUDEMANN (Rainer, dir.), Wandel und Integration. Deutsch-französische Annäherungen der Fünfziger Jahre Mutations et intégration : les rapprochements franco-allemands dans les années cinquante, Munich, Oldenbourg, 2005.
SCHIRMANN (Sylvain), Crise, coopération économique et financière entre États européens, 1929-1933, Paris, Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 2000.
Voir aussi l'état des microfilms des documents diplomatiques allemands à travers le monde : https://discovery.nationalarchives.gov.uk/details/r/C138.
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