Maurice, Ernest, Napoléon Dejean naquit le 30 septembre 1899 à Clichy. Il fit ses études au collège Notre-Dame du Grandchamp à Versailles, et, de 1918 à 1920, à la faculté des lettres de Paris où il obtint une licence ès lettres et un diplôme d'études supérieures de philosophie. Il accomplit son service militaire en 1921 à Sarrebrück en tant qu'officier interprète d'allemand, séjourna en Rhénanie en 1922 et 1933 et devint conseiller pour les affaires allemandes au ministère de la Guerre jusqu'en 1930. A cette date, il opta pour la carrière diplomatique et dirigea le service de presse de l'ambassade à Berlin jusqu'en 1939. Il arriva donc dans cette capitale quelques jours avant le voyage de Briand et Laval, et en repartit le 4 septembre 1939 par le train diplomatique qui ramena à Paris M. Coulondre et ses collaborateurs. Chef adjoint, puis chef du cabinet diplomatique de Daladier et de Paul Reynaud de septembre 1939 à juin 1940, il participa au repli du gouvernement à travers la France et assista, à Bordeaux, au dernier acte du drame militaire français. Rallié au général de Gaulle, qu'il avait aperçu maintes fois au quai d'Orsay dans la période tumultueuse provoquée par l'irrésistible poussée des blindés allemands, il rejoignit Londres après un séjour au Maroc de juin 1940 à janvier 1941. Il occupa tout d'abord à Londres le poste de directeur des Affaires politiques de la France libre, de février à septembre 1941. Commissaire national aux Affaires étrangères jusqu'en octobre 1942 - René Pleven lui succéda à ce poste, jusqu'à l'arrivée de René Massigli à Londres -, il devint conseiller diplomatique du Comité national français. Nommé en août 1943 délégué du Comité de Libération nationale auprès des gouvernements alliés établis à Londres, il était alors le correspondant priviliégié, ainsi que P. Vienot, représentant du C.F.L.N. auprès du gouvernement britannique, du général de Gaulle et de René Massigli à Alger. Directeur général, chargé des affaires politiques à l'administration centrale d'octobre 1944 à décembre 1945, il prit part à toutes les conférences internationales de la fin de la guerre et accéda à la dignité d'ambassadeur le 2 novembre 1945. Au cours de sa première ambassade, à Prague de 1945 à 1949, il dirigea la délégation française à l'Assemblée générale des Nations-Unies d'octobre à décembre 1946, ainsi que la délégation de la France auprès de l'autorité internationale de la Ruhr en 1949. Les années 1950-1954 furent consacrées à l'Extrême-Orient : en effet, Maurice Dejean fut tout d'abord de 1950 à 1952 chargé de la mission française de liaison auprès du commandement supérieur allié en Extrême-Orient, à la suite du général Pechkoff, puis dirigea l'ambassade à Tokyo en 1952-1953, après l'entrée en vigueur du traité de paix, et devint commissaire général de France en Indochine pratiquement jusqu'à la fin du conflit indochinois, puisque le général Ely lui succéda en début Juin 1954.
Mais Maurice Dejean, devenu conseiller diplomatique, continua à Genève l'œuvre commencée en Indochine. L'année 1955 fut marquée par la négociation du traité franco-libyen et par une mission à Londres où M. Dejean fut chargé par le Département de faire des conférences à l'Imperial Defence College. Il termina sa carrière diplomatique par l'ambassade à Moscou de décembre 1955 à février 1964 et prit sa retraite le 19 septembre 1964.
Marguerite-Anne Zeitoun

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(1). Cf. 288PAAP/11 et archives orales Roland de Margerie.
(2). Jean-Baptiste Duroselle, L'Abîme - 1939-1945, chapitre 12, « Les premières lueurs », et archives orales René Massigli (AO1).
(3). Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, tome II, chapitre de Raymond Offroy, p. 565.

Les papiers Maurice Dejean ont été remis à titre de don au service des archives par Madame Dejean au printemps 1982.

Parmi les dossiers intéressants de ce fonds il faut d'abord signaler, dans les volumes de septembre 1939 à juin 1940, l'existence d'un volume de notes et projets de rapports pour le Conseil des ministres : en effet, ce procédé n'a été repris qu'à partir de la cinquième République. Maurice Dejean a, par ailleurs, pris des notes très complètes, notamment sur le déroulement de l'action diplomatique pendant la bataille de France : nous en trouvons deux exemplaires, l'un dans la chronologie Dejean du 9 au 12 mai 1940, l'autre dans le mémoire d'environ 150 pages manuscrites qu'il a rédigé, sur "la bataille de France". La question reste posée de savoir s'il a publié ce mémoire à Londres pendant la guerre. Il faut également noter la présence de brouillons originaux de Paul Reynaud dans les volumes concernant les messages Paul Reynaud-Winston Churchill et Paul Reynaud-président Roosevelt. On sait en effet que les brouillons de Paul Reynaud sont éparpillés dans plusieurs fonds.

Un petit dossier a été constitué par Maurice Dejean sur les circonstances de son départ pour le Maroc (il a voyagé avec Roland de Margerie jusqu'à Lisbonne) (1), ainsi que sur son séjour dans ce pays de juin 1940 à janvier 1941, date de son arrivée à Londres. On sait les postes qu'il a occupés de février 1941 à octobre 1944. La diversité et le nombre des dossiers pour cette période, le fait que ceux-ci formaient un ensemble ont nécessité une simplification volontaire dans leur présentation sur l'inventaire. Les dossiers ne sont donc pas présentés par "fonctions occupées" par Dejean, mais par unités formelles ou thématiques.
La correspondance officielle du fonds Dejean-Londres présente un intérêt tout particulier puisqu'elle comprend un chrono complet de 1 600 télégrammes d'août 1943 à octobre 1944 sur 600 seulement reçus à Alger à cette même époque. Les nombreux dossiers ont été regroupés sous deux chapitres. L'un, appelé questions françaises, comprend parmi d'autres un dossier sur l'échec des négociations avec Alexis Léger à la suite de l'accord franco-américain du 9 juillet 1942 (2), un dossier sur les relations de Gaulle-Giraud complétant le volume 1 456 du fonds Alger-papiers Massigli ; ce dossier renferme aussi des études sur l'Afrique du Nord et un mémoire de Lemaigre-Dubreuil, personnalité qui a été à l'origine du groupe des Cinq, sur la rentrée en guerre de la France aux côtés des Alliés le 8 novembre 1942. Les autres dossiers apparaissent dans le chapitre relations extérieures de la France combattante : on y trouvera, en tête, un volume sur le statut international de la France combattante, complétant les volumes 11, 12 et 35 du fonds Londres-C.N.F. guerre 1939-1945, et, regroupés par pays, tous les dossiers de correspondance, d'entretiens, d'études ou de voyages. On ne s'étonnera pas que le dossier Grande-Bretagne présente un intérêt tout particulier ; en effet, "l'une des tâches essentielles de la direction des affaires extérieures fut alors, non seulement de veiller à la sauvegarde des intérêts de la France à l'étranger, mais aussi d'entamer une négociation quasi quotidienne avec le Foreign Office ..., pour tenter de régler les problèmes constants déclenchés par les interventions britanniques"(3). Nous citerons notamment le dossier sur les négociations franco-britanniques concernant la Syrie, le Liban et Madagascar, complément des dossiers Londres-C.N.F. volumes 38 à 45, 91 et 93, et du volume 1 468 du fonds Alger-papiers Massigli, dossier reflétant les états d'âme et la colère croissante de général du Gaulle au moment de la crise de l'été 1942 dans les relations avec les Alliés. On trouvera aussi des notes historiques rédigées par différents membres des gouvernements alliés, notamment dans les dossiers Pologne et Tchécoslovaquie, ainsi que de très nombreuses études de Manfred Simon, des professeurs Gros, Vermeil et de Blum-Picard sur les problèmes de l'après-guerre, regroupés en un dossier sur l'étude de l'armistice, et formant un complément aux volumes 172 à 187 du fonds Londres-C.N.F.
Les archives de la direction politique (octobre 1944 - décembre 1945) peuvent être divisées en trois parties : dossiers par pays, dossier armistice, et dossiers sur les conférences de la fin de la guerre et le voyage à Moscou de décembre 1944 soit : Dumbarton Oaks, les négociations du pacte franco-soviétique, San Francisco et la charte des Nations Unies, Potsdam, Londres, et la conférence de Moscou. L'attention des chercheurs sera particulièrement attirée par la richesse que présente le dossier concernant les négociations du pacte franco-soviétique : Maurice Dejean a, en effet, non seulement conservé son propre dossier préparatoire, le dossier préparatoire d'Eric de Carbonnel, secrétaire à Moscou, le programme du séjour, les sous-dossiers relatifs au problème de la ratification du pacte par le Gouvernement provisoire, à la déclaration commune suivant la signature, ainsi que les premiers télégrammes expliquant la teneur des négociations, mais on trouvera, en outre, les manuscrits successifs des projets de pacte, les comptes-rendus d'entretiens rédigés par Maurice Dejean, qu'il serait utile de comparer avec le récit fait par le général de Gaulle de ces négociations dans les "Mémoires de guerre", ainsi qu'avec les comptes-rendus soviétiques ; Maurice Dejean a, de plus, rédigé un journal du voyage à Moscou.
Les volumes de l'ambassade de Prague présentent un double intérêt : d'une part, le chrono de télégrammes comprend un grand nombre de brouillons, plans et minutes, en particulier pour la période de février-mars 1948 ; on peut donc suivre aisément l'élaboration de la pensée de Maurice Dejean en cette période de crise ; par ailleurs, cette correspondance met singulièrement en relief l'influence qu'a pu avoir le médecin personnel du docteur Benes, le docteur Klinger, appelé par ses adversaires les plus archarnés : "le Raspoutine du Hradcany". D'autre part, le chercheur trouvera nombre d'éléments parmi les dossiers de travail et les dossiers de conférences de Maurice Dejean. Mais cette lecture devrait être précédée par la consultation de la série Z Tchécoslovaquie - 1944-1949.
Les volumes concernant la délégation de l'Assemblée générale des Nations Unies comprennent quelques notes manuscrites que Maurice Dejean a prises au cours de la session.
Parmi les dossiers de l'Autorité internationale de la Ruhr, il faut souligner la présence de correspondance officielle, échangée entre Prague, Bonn et Düsseldorf, ainsi que des volumes comprenant les dossiers d'études précédant la conférence préparatoire à la première session de l'Autorité et les documents des réunions officielles et officieuses.
Les archives que Maurice Dejean a conservées des trois postes qu'il a occupés en Extrême-Orient sont d'intérêt variable : elles sont très pauvres en ce qui concerne la mission française de liaison auprès du commandement supérieur allié en Extrême-Orient. On remarquera, dans les dossiers de l'ambassade au Japon, la présence d'un agenda comprenant des notes de Maurice Dejean sur la vie internationale. En revanche, différents dossiers se rapportant au commissariat général de France en Indochine ont retenu notre intérêt : La comparaison du volume intitulé "lettres de commission et pouvoirs du commandant en chef" avec le rapport de fin de mission nous semble riche d'enseignements en ce qui concerne la conception de ces pouvoirs. On trouvera, par ailleurs, une abondante correspondance officielle répartie en quatre chapitres, comme il est indiqué dans l'inventaire, ainsi que le dossier Dejean de la conférence de Genève. Il peut être utile de comparer ces volumes à ceux de la série Asie 1944-1955 Indochine, notamment la sous-série "dossiers généraux" concernant la conférence de Genève. Enfin, faut-il citer le volume concernant le départ de Maurice Dejean, dans lequel on trouve quelques détails sur les mutations des différentes personnalités politiques françaises ?
Le dernier chapitre de cet inventaire correspond à la période où Maurice Dejean a été conseiller diplomatique ; les dossiers ont été classés par thèmes ou par pays ; on ne s'étonnera pas de leur variété, étant donné les fonctions occupées par Maurice Dejean. Certains volumes permettent de mieux comprendre l'action personnelle de Maurice Dejean : - Le volume Asie, dont le sous-dossier "Vietnam" comprend principalement les comptes-rendus d'entretiens de Maurice Dejean avec Bao-Daï et des lettres de Pierre Cerles, conseiller diplomatique en Indochine. - Le dossier de correspondance politique au sujet de la négociation du traité franco-libyen du 10 août 1955 (Dejean a été responsable de cette négociation pendant toute la durée de celle-ci, jusqu'à la signature du traité).
On a, par ailleurs, mentionné dans l'inventaire ou l'index, les notes manuscrites de Maurice Dejean.
Ce fonds volumineux contient donc des dossiers d'un grand intérêt pour les chercheurs, soit parce qu'ils complètent les séries officielles, soit parce qu'ils permettent de mieux évaluer l'action de Maurice Dejean dans certaines circonstances - Mémoire sur la bataille de France, projets de télégrammes de Londres, notes sur le déroulement du voyage à Moscou pour la signature du pacte franco-soviétique, brouillons de télégrammes de Prague, entretiens avec Bao-Daï, négociation du traité franco-libyen, et nombreuses notes manuscrites, conférences et agenda. Marguerite-Anne Zeitoun

Un premier inventaire avait été fait précédemment sur la période de septembre 1939 à octobre 1944 (fin de la mission à Londres) pour mettre à la disposition des chercheurs les volumes de la Deuxième Guerre mondiale. L'inventaire que voici reprend le précédent et présente l'ensemble des archives du fonds Maurice Dejean ayant plus de trente ans d'âge. Marguerite-Anne Zeitoun

Répertoire numérique par Marguerite-Anne Zeitoun, chargée de mission, Paris, 1989, 20 p. Voir l'instrument de recherche  

Au  MAE (La Courneuve) :

• Papiers 1940 - Papiers Dejean, en particulier pour les textes des conseils de guerre, les conversations franco-britanniques et dossiers par pays (404QO).
• Guerre 1939-1945, fonds Londres-C.N.F., volumes 11, 12 et 35 ; volumes 38 à 45, 91 et 93 ; volumes 172 à 187 (18GMII).
• Guerre 1939-1945, fonds Alger, papiers Massigli, volume 1468 (18GMII).
• Série Europe, Tchécoslovaquie, 1944-1949 (207QO).
• Série Asie, Indochine, 1944-1955, notamment la sous-série "dossiers généraux" concernant la conférence de Genève (120QO).