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De la Restauration au Second Empire (1), la Révolution industrielle et la recherche de nouveaux marchés, l'accession de nouveaux pays à l'indépendance, les progrès techniques dans les communications favorisent une expansion de la France dans le monde sans précédent. Points d'appui de cette expansion, des postes diplomatiques et consulaires sont créés sur tous les continents, notamment dans l'Empire ottoman, à Beyrouth (1821), Damas (1839), Jérusalem (1842), Erzurum (1843). En 1841, l'attention du Département des Affaires étrangères se porte aussi sur Mossoul, plaque tournante des échanges au cœur de l'antique Mésopotamie. Les Anglais y ont déjà un consul, Ainsworth, la ville occupant une position-clé sur la route des Indes. Les circuits commerciaux se font plus sûrs depuis l'instauration par l'Autriche d'un service régulier de bateaux à vapeur sur la mer noire. Transbordées de Constantinople à Samsun, les marchandises empruntent la route de Sivas, Diyarbakir et Mardin, plutôt que de passer par Alep ou Damas, où les caravanes sont exposées aux attaques incessantes de tribus kurdes ou arabes. Mais l'intérêt commercial n'est rien face à l'intérêt politique : la France manque d'un poste d'observation qui lui permettrait de s'informer sur les menées des Russes en Arménie, des Anglais sur l'Euphrate. Surtout, il y a là des communautés chrétiennes que la France a vocation à protéger, en vertu des textes des Capitulations. Et la présence d'un agent consulaire à Mossoul donnerait une réalité à ce devoir de protection, qui est aussi un puissant vecteur d'influence : « Il est évident qu'en Orient, où les croyances religieuses sont encore vivantes, un des plus sûrs moyens d'étendre l'influence de la France est de l'appuyer sur une religion qui lui rattache une partie de la population chrétienne, et qui, dans la Chaldée, attirerait indubitablement le reste, dès l'instant où cette population verrait qu'elle est l'objet d'une protection efficace. » (2)
Modeste agence consulaire créée par ordonnance du 30 août 1841, érigée dès septembre 1842 en consulat de deuxième classe, le poste de Mossoul ne prendra jamais l'importance que la position de la ville aurait laissé espérer. Premier titulaire du poste, Paul-Emile Botta (1802-1870) découvre à son arrivée, en juin 1842, une « ville admirablement placée pour être le centre du commerce du Kurdistan » mais dont la population a été décimée par les épidémies (peste en 1831), la famine, les conflits entre factions. Il évalue le nombre d'habitants à 43.280, dont une majorité de musulmans (36.000) auxquels s'ajoutent 7.280 juifs et 5.824 catholiques chaldéens et jacobites. Aucun Français, aucun Européen même n'y réside, qui pourraient avoir recours aux services de la chancellerie. Le consulat fonctionne sur un budget très modeste, avec quelques janissaires pour assurer sa garde, un drogman, choisi initialement parmi la population chrétienne (le premier, Hanna Benni, « l'un des chrétiens les plus distingués du pays », auxiliaire indispensable pour sa connaissance des autorités locales mais que sa qualité de raya, expose aux vexations) et auquel on adjoindra un chancelier-drogman, envoyé par Paris. Botta paraît avoir négligé sa mission commerciale, qui est en théorie, au cœur de la fonction de consul : chargé de faire appliquer le traité de 1838 entre la France et la Porte, prévoyant, notamment, la liberté de transport sur le Tigre, le consul peine autant à faire valoir la position de la France qu'à transmettre les chiffres annuels d'importation et d'exportation de la région. Pour ce consul médecin, naturaliste et archéologue, comme pour son successeur, Victor Place (1822-1875), consul à Mossoul de 1851 à 1855, la passion de la découverte aura sans doute pris le pas sur les fonctions consulaires classiques. Chargés de mission par l'Académie des Inscriptions et belles-Lettres, ces deux pionniers de l'assyriologie ont découvert à Khorsabad à 16 km de Mossoul le palais de Sargon II (721-705 avant notre ère) et organisé l'envoi au Louvre des résultats monumentaux de leurs fouilles. Il est vrai que sur ce terrain aussi, ils ont à défendre le rôle de la France face aux Anglais : Layard découvre Ninive sous le tell de Kuyunjik fouillé en vain par Botta, Rawlinson, consul de Grande-Bretagne à Bagdad déchiffre en 1843 l'écriture cunéiforme.
En 1857, le Département dépêche à Mossoul le consul Francisque Bouvet qui rédige un rapport sévère sur l'état matériel du consulat et son manque d'efficacité. Occupant un bâtiment dans un état déplorable et où manque le pavillon français destiné à l'identifier, le consulat ne remplit pas suffisamment son rôle de sentinelle source d'information sur les évolutions politiques de la région et les opportunités offertes en matière commerciale, alors que le vice-consulat anglais apparaît toujours comme mieux renseigné. Bouvet salue la part essentielle prise par la mission dominicaine et particulièrement le P. Marchi dans la diffusion de l'influence française. Il préconise d'entretenir des contacts plus étroits avec les autorités locales et de promouvoir l'influence française par le biais de l'ouverture d'écoles et de dispensaires. Victime du jugement porté sur son peu d'utilité ou simplement d'une compression d'effectifs décidée par le Second Empire, le consulat est officiellement supprimé par décret impérial du 19 janvier 1859 et les intérêts de la France confiés à un négociant venu à Mossoul faire fortune, un certain Marcopoli. La décision suscite la consternation parmi les populations chaldéennes et syriennes d'où l'envoi au ministère d'une requête signée des patriarches de ces communautés qui semble avoir eu quelque effet puisque le poste demeure actif, après un certain flottement. Cependant, la protection des populations chrétiennes ne suffit pas à justifier le maintien du consulat, qui est ramené au rang de vice-consulat par décret du 12 décembre 1872. De fait, jusqu'à la fin du XIXe siècle, les correspondances entre Mossoul et Paris rappellent avec constance l'absence totale de résidents européens hors la mission dominicaine dans une province qui équivaut en superficie à douze départements français et reste dans l'orbite de l'influence britannique.
En décembre 1941, le réseau consulaire français en Irak (agence de Bagdad, Bassorah et Mossoul) est contraint de fermer à la suite de la révolte irakienne fomentée par Rachid Ali al-Gillani, Premier ministre irakien, contre la présence britannique, les autorités françaises étant accusées d'avoir soutenu les rebelles (3).
Nommé consul à Mossoul le 10 juin 1947, René Angé entreprend de rejoindre son poste et d'en installer les bureaux ; mais le Département modifie ses plans dans les mois suivants, décidant d'ouvrir le poste plutôt à Bassorah, considéré comme un centre commercial d'importance croissante. L'immeuble prévu pour le consulat à Mossoul ne fut donc pas loué et R. Angé resta provisoirement logé à l'Hôtel de la Station pendant 8 mois, jusqu'à son transfert à Bassorah. En février 1948 , le gouvernement irakien donna son agrément pour l'ouverture d'un consulat à Bassorah, qui fut créé par un arrêté du 17 juin 1948 et inauguré le 24 octobre, le consulat de Mossoul étant fermé en conséquence (4).
Notes :
(1) Texte rédigé par Isabelle Nathan (notice sur l'histoire du consulat de Mossoul rédigée pour le catalogue de l'exposition sur les manuscrits irakiens organisée aux Archives nationales en 2015, cf. bibliographie).
(2) Rapport de Paul-Emile Botta, alors consul à Alexandrie, 31 août 1841 (Archives diplomatiques, Correspondance consulaire et commerciale, Mossoul, vol. 1, fol. 2).
(3) Kévin Wursthorn, De l'intérêt de la diplomatie d'entreprise : les enjeux de la représentation française dans le golfe Arabo-Persique des années 1950 aux années 1970, thèse de doctorat en histoire sous la direction de Laurence Badel soutenue le 25/02/2022 à l'Iniversité Paris I Panthéon Sorbonne, Ecole doctorale d'histoire (p. 39 et 46).
(4) Source : Afrique-Levant. Irak (1944-1952), carton 377QO/2.
Autre instrument de recherche
Répertoire numérique des archives rapatriées du vice-consulat de France à Mossoul, 1878-1893, Dominique Havard, CADN, octobre 2002. Saisie directe sous Mnesys, avril 2022.
Bibliographie
Conseil international des archives. Commission française du Guide des sources de l'histoire des nations, Sources de l'histoire du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord
dans les archives et bibliothèques françaises. I, Archives (München ; New Providence ; Paris [etc.] : K. G. Saur, 3 vol., 1996), vol. 3, p. 1248-1249 [liste des représentants de la France à Mossoul, 1841-1941]. [CADN, Usuels SG 14-16]
Jacques Charles-Gaffiot, Alain Desreumaux (dir.), Grandes heures des manuscrits irakiens : exposition "Mésopotamie, carrefour des cultures : grandes heures des manuscrits irakiens", Archives nationales, Paris, du 20 mai au 24 août 2015, Suresnes, Les éditions du Net, 2015. [CADN, 4°1058]
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