Cote/Cotes extrêmes
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Dans les collections du Centre des Archives diplomatiques de Nantes figurent deux volumes d'archives relatifs à l'administration de l'île de la Guadeloupe pendant la période révolutionnaire. Ces documents, entrés dans les collections du ministère dans des conditions et à une époque difficiles à déterminer, contiennent de nombreuses informations, en dépit de leur faible volume, sur l'histoire de l'île pendant cette époque troublée, même s'ils ne portent que sur une période chronologique très courte, de 1793 à 1796.
Ces papiers contiennent essentiellement la correspondance officielle de Victor Hugues et d'Alexandre Lebas, les deux commissaires envoyés par la Convention nationale pour rétablir l'autorité de la République sur l'île, reconquise sur les Anglais mais toujours menacée par eux. Ces documents évoquent la situation politique, les mesures prises par les représentants de la Convention pour assurer l'approvisionnement des troupes et la défense de l'île. Les lettres échangées avec le gouverneur de Saint-Domingue ou les rapports envoyés au Comité de Salut public offrent de précieuses informations sur le climat quotidien agité qui règne alors en Guadeloupe et sur les difficultés d'administration auxquelles doivent faire face les commissaires, qui ne bénéficient pas toujours du soutien de la population locale, ni de celui des agents de la République établis aux Etats-Unis, contre lesquels ils portent de nombreuses plaintes. Les opérations militaires contre les Anglais, les prises de navires, les problèmes d'approvisionnement sont évoqués tour à tour. Le lecteur trouvera également les listes nominatives des individus émigrés ou déportés des différentes communes de la Guadeloupe en brumaire an IV, comme celles de l'Egalité, de la Fraternité et de Port-Libre. Sont aussi conservés parmi ces archives des documents imprimés, et en particulier quelques affiches imprimées sur les presses établies dans l'île, sur le fonctionnement desquelles des informations sont conservées.
Quelle est la situation de l'île de la Guadeloupe à l'arrivée de Victor Hugues en juin 1794 ? Tandis que la Révolution bat son plein en France, la Guadeloupe est ravagée par quatre années de luttes intestines et par l'occupation anglaise. De nombreux colons, lésés dans leurs intérêts, se sont ralliés à la cause des Anglais et complotent contre la République. L'île souffre de difficultés d'approvisionnement, coupée de la France par l'armée anglaise, « maîtresse des mers ». Beaucoup de propriétaires ont déserté l'île et l'affermage des terres séquestrées ne permet plus une production suffisante.
Victor Hugues arrive à Pointe-à-Pitre à l'âge de trente deux ans. Né en 1762 à Marseille, il a vécu longtemps à Saint-Domingue, comme ses collègues Goyrand et Lebas. En 1793, nommé commissaire civil pour les îles du Vent, on le retrouve à Rochefort où, en attendant son départ, il devient président de la société populaire locale et accusateur public au tribunal révolutionnaire. Il quitte les côtes de l'Aunis en avril 1794, à bord d'un convoi, bien décidé à reconquérir la Guadeloupe avec l'aide du capitaine de vaisseau Leissegues, qui commande le convoi. Les troupes françaises débarquent le 3 juin et à la fin de l'année, les Anglais évacuent entièrement l'île. Hugues était accompagné d'un autre commissaire civil, le citoyen Chrétien, qui mourut de la fièvre jaune. A la nouvelle des succès remportés, la Convention adresse à Hugues un secours de deux mille hommes, accompagnés du citoyen Lebas, ex-substitut de Hugues au tribunal révolutionnaire de Rochefort. Surnommé le « Robespierre des Antilles », Hugues, qui a proclamé l'abolition de l'esclavage, rétablit l'autorité de la République grâce à la Terreur, qui devient, comme en France, un système de gouvernement. La guillotine est dressée, des tribunaux et des comités sont organisés. Les opposants au nouveau régime, les émigrés, sont pourchassés et éliminés, comme le rappellent les commentaires de la loi du 3 brumaire an IV, affichée dans toutes les communes : « Depuis le commencement de la Révolution, les royalistes, les aristocrates, les émigrés n'ont cessé de conspirer contre la République : toutes les mesures de répression employées par la Convention nationale n'ont pu les contenir et les empêcher d'ourdir trames sur trames. Voyant l'impuissance de la ligue des rois qu'ils avaient armée contre nous, ils ont su rentrer sur le territoire de la République. Toutes les manoeuvres qu'ils ont fait jouer dans les colonies nécessitent la prompte exécution de la loi du 3 brumaire an IV » (vol. 1, fol. 21).
Pour assurer l'approvisionnement de l'île, Victor Hugues relance le commerce avec l'étranger. De la même façon, par des exécutions et l'instauration du travail forcé, il contraint les Noirs à reprendre le travail, y compris sur les anciennes plantations désertées.
Dans sa correspondance, Hugues développe ses idées sur le développement des Antilles : « La majorité des bâtiments, par notre faux système de commerce et par la coquinerie de ceux qui étaient chargés d'empêcher la contrebande, ne faisaient des affaires qu'avec les maisons anglaises. Il est facile de prouver que sur cinquante millions de revenu que produisait la Guadeloupe, la moitié au moins passait en fraude pour alimenter le commerce de nos ennemis. On se plaint de ce que nous ayons gêné le commerce, nous le savons. Eh bien, les colonies redeviennent anglaises. Si nous ouvrions le commerce aujourd'hui, avec le peu de confiance qu'une partie des colons a dans le gouvernement et la haine que l'autre lui porte, tout irait à l'ennemi. Dans un mois nous n'aurions ni vivres, ni denrées, ni argent. Alors comment entretenir onze mille hommes d'infanterie, quatre cents hommes de cavalerie, la marine flibustière que nous avons créée, près de deux cents hommes dans les hôpitaux ? » (vol. 1, fol. 73-74 : lettre adressée par Hugues et Lebas au Comité de Salut public, 27 brumaire an IV).
« Notre dévouement à la chose publique nous a fait, sinon décider, mais au moins pallier bien des choses pour ne pas faire des mécontents et pour maintenir l'ordre. Jusqu'à ce jour, la législation des colonies a été dictée par les passions, les haines et les préjugés ; on a toujours mis les hommes à la place des choses. Le colon de la Guadeloupe a voulu user de sa prépondérance pour dicter les lois aux colons de Saint-Domingue. Nous ne cesserons de le répéter : les lois pour le régime intérieur doivent être confiées aux agens du gouvernement et il faut qu'ils connaissent les colonies. Le gouvernement doit être persuadé que les hommes qui ont dirigé avec aussi peu de moyens la plus belle campagne qui se soit jamais faite en Amérique, ne céderont le territoire témoin des actions de leur valeur et de leur conduite que quand ils auront cessé d'exister. Salut et Fraternité » (vol. 2, fol. 83-84 : fragment de lettre, document non daté).
Plusieurs pièces conservées ont trait à la situation de la Martinique et des autres Antilles, à la Guyane, en particulier dans la correspondance échangée avec le gouverneur de Cayenne, ou aux opérations militaires, à la course, aux prises, aux approvisionnements de l'île, notamment avec les marchés passés avec des négociants américains.
Dirigeant la Guadeloupe d'une main de fer, s'efforçant d'éliminer ses concurrents comme Leissegues, Hugues fut l'objet de nombreuses critiques après la chute de Robespierre. Ses ennemis l'accusaient en effet de s'être scandaleusement enrichi. En dépit de ces attaques, le Directoire le maintint à son poste en raison du succès que représentait la reconquête de la Guadeloupe. Il ne fut rappelé que le 3 juin 1798 en raison des mesures qu'il avait adoptées contre les Etats-Unis, qui laissaient craindre une grave altération des relations entre les deux pays. Nommé gouverneur de la Guyane où il arriva en 1800, toujours avec la même autorité, il y rétablit l'esclavage. Accusé en 1809 par le gouvernement impérial d'avoir mal défendu cette colonie contre les Anglais et les Portugais, Hugues fut traduit devant une commission militaire mais fut acquitté. Il mourut en 1809.
Les documents conservés à Nantes, endommagés pour la plupart, ont été restaurés avant d'être ouverts aux chercheurs.
Béatrice THOBY, mars 1989.
Autre instrument de recherche
Inventaire analytique des volumes Guadeloupe conservés au Centre des Archives diplomatiques de Nantes. L'île de la Guadeloupe sous la Révolution, mars 1793-fructidor an IV, dressé par Béatrice Thoby, documentaliste, mars 1989, 28 p., dactyl.
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