Ce qui deviendra le département du Mont-Tonnerre fait partie des territoires rhénans conquis par la France révolutionnaire lors de l'offensive contre la Prusse, après la victoire de Valmy du 20 septembre 1792, dans le cadre d'une politique d'expansion justifiée par la théorie des « limites naturelles ». Les Jacobins allemands tentent alors rapidement d'instituer une république de Mayence, dont ils demandent finalement le rattachement à la France, tandis que la première coalition chasse bientôt les Français de la rive gauche du Rhin : la reprise de Mayence par les Prussiens en juillet 1793 met fin à ces projets.

La rive gauche du Rhin est reconquise par la France fin 1794 ; cette situation est reconnue par la Prusse à la paix de Bâle le 5 avril 1795. En 1797, après avoir soutenu l'émergence d'une éphémère République cisrhénane (septembre-octobre 1797), dont la capitale aurait été Cologne, le Directoire décide son annexion, situation consacrée par la paix de Campoformio avec l'Autriche (17 octobre 1797) puis par le Congrès de Rastatt. La Rhénanie est divisée en quatre départements le 23 janvier 1798 : la Sarre (Trèves), Le Mont-Tonnerre (Mayence), la Roër (Aix-la-Chapelle) et le Rhin-et-Moselle (Coblence) ; elle est définitivement annexée le 9 septembre 1800.

« Le Mont-Tonnerre a été constitué à partir de la moitié méridionale de l'électorat de Mayence, des fragments cisrhénans des évêchés de spire et de Worms, des terres du comte palatin du Rhin, du duc de Deux-Ponts et de quelques autres seigneurs moins importants. En l'an X, la population est estimée à 382 739 habitants. Il y a quatre arrondissements. La préfecture se trouve à Mayence, tandis que les sous-préfectures sont installées à Spire, Kaiserslautern et Deux-Ponts. » (A. Fierro, A. Palluel-Guillard, J. Tulard, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, Paris, R. Laffont, 1995, article « Mont-Tonnerre (département du) »).

Ce département fut administré par trois préfets successifs : Shée (1800-1801), Jollivet (1801) et Jeanbon Saint-André (1801-1813). Pasteur protestant, ancien conventionnel, ce dernier était d'abord entré dans la carrière consulaire en 1793 (consul à Alger, puis à Smyrne en 1798) avant d'être nommé commissaire général dans les départements de la rive gauche du Rhin (2 décembre 1801-22 septembre 1802) et préfet du Mont-Tonnerre le 20 décembre 1801 ; il fut ensuite fait officier de la Légion d'honneur (25 février 1804), puis baron d'Empire (9 janvier 1810). Vénérable de la loge maçonnique de Mayence, il mourut du typhus dans cette ville le 10 décembre 1813.

Bien avant leur découverte dans une maison de la banlieue parisienne, début 2023, les documents ont peut-être appartenu à un libraire ou marchand d'autographes, comme le laissent penser les indices suivants :
- présence, à côté des numéros d'enregistrement anciens (à l'encre) qui figurent sur le bord supérieur des pièces, de numéros inscrits au crayon (coins supérieur gauche et inférieur gauche des pièces) ;
- mention « Colmar », ajoutée au crayon au bas du recto du premier feuillet de la lettre de l'évêque de Mayence, Mgr Colmar.

- Ministre de la Guerre au préfet du Mont-Tonnerre [Jeanbon Saint-André] (Paris, 16 pluviôse an 11/5 février 1803).
Circulaire relative à la réglementation destinée à éviter la dispersion des chevaux attribués aux cultivateurs.

- Mgr Colmar, évêque de Mayence [de 1802 à 1818], à un directeur, peut-être de l'administration fiscale du département (Mayence, 22 juillet 1806).
Lettre répondant à une note du directeur au préfet du 30 mai, relative à la fondation du général Cloos pour l'église de Freynveinheim (désaccord sur la répartition de la jouissance de la fondation entre le curé de Freynveinheim et les pauvres de Nideringelheim).

- Ministre des Cultes au président du consistoire général de Mayence (Paris, 27 mars 1810).
Le ministre des Cultes n'a pas encore reçu les documents relatifs à la demande d'exemption du service militaire formulée par Pierre Hermann Orth, de Rhin Durkheim (Mont-Tonnerre), conscrit protestant qui se destine au ministère évangélique, documents qui lui ont été transmis par le préfet à la demande du consistoire local de Guntersblum.

- Procureur impérial près le tribunal de première instance de Mayence au préfet du Mont-Tonnerre [Jeanbon Saint-André] (Mayence, 29 août 1810).
Renvoi de pièces relatives à l'opposition aux poursuites formulées contre eux par le percepteur de Furfeld par Jean et Philippe Rodrian, de Furfeld.

Conservation intégrale des documents remis.

M. Gandon a par ailleurs souhaité remettre une partie du petit ensemble qu'il avait découvert au Stadthistorisches Museum Mainz (Mayence) en 2023 : ce don comporte des lettres de particuliers rédigées en allemand (entre 1761 et 1830), ainsi que de la correspondance adressée au préfet Jollivet [en 1801].

SOBOUL, Albert, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989.

FAYARD, Jean-François, FIERRO, Alfred, TULARD, Jean, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Paris, R. Laffont, 1987.

FIERRO, Alfred, PALLUEL-GUILLARD, André, TULARD, Jean, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, Paris, R. Laffont, 1995.